J’attends
En bord de bar
A fleur de bière
A l’affût
Derrière mon verre
J’attends
J’attends
Ou plutôt je guette
Le moment
Où le saisir
L’instant propice Ou le cueillir
Depuis le temps que je lui cours après
Je ne voudrais pas tout gâcher
Oui c’est ce soir c’est décidé
Le bar s’anime déjà
Se remplie de tiges plus ou moins longues
Qui frétille dans un joli cocktail de tignasse et de sueurs juvéniles
Et moi aussi
Je commence à la ressentir
Cette excitation collective
Cette odeur de désir
Qui émane des corps
Ce dégazage de tensions journalières
Cette envie de bêtise en dessous de verres
Mais je dois me concentrer ce soir c’est lui ce soir c’est lui
Alors je cherche un moyen de le voir
je scrute la foule aux aguets de sa silhouette qui passe
Mais tout déjà tout grouille se brouille et s’agite devant mes yeux un peu ralenti par le houblon
Dis, comment on arrête
Comment on aborde une masse en mouvement ?
C’est ce soir alors vas-y
C’est ce soir alors j’irais
Mais encore un instant
C’est que j’ai un peur au fond
En face, jai peur de me retrouver face à lui
C’est absurde
Je ne vis que pour le gagner
Et quand je sens qu’il est mien je le fuis
Action- répulsion classique et qui pourtant se répète
Inlassablement
Mais c’est ce soir tas promis
Il est là à coup sûr dans ce flot
De bras et de bouches
Alors
J’y plonge.
À plein corps je immerge je me jette dans la foule
Fend file coule
Entre les tables qui s’ouvrent et se ferment
Au rythme des phrases qu’ils que les autres au bar débitent
Tous
Tous
Tous
Ils me parlent a moi ou plutôt serait ce à eux mêmes
Veulent m’empêcher de l’atteindre
Lui
je vacille
un peu beaucoup chahutée dans la nuée
je lutte je m’agrippe je le veux alors vite j’affronte
cascades de chemisiers repassés de rires fous de brèves histoires et de dents blanches
Je m’efforce d’avancer
De ne pas écouter leur caquètements qui tintent tintent tintent dans ma tête
Un verre ? Une clope ? Un mec ? Un appart ? Une promotion ?
Ils m’alpaguent ses clients et se font plus durs à mesure que j’avance vers lui
mais je les pousse je les pousse je les pousse ces divertissements
j’ai dis ce soir c’est ce soir
il est là
à deux pas et
soudain
le voilà qui passe
alors je le prends.
A deux mains,
je l’enlace,
je l’embrasse
je le prends.
A ce bar,
je prends
le temps .